Résumé
Face à l’explosion de consommation médicamenteuse et des maladies dites de civilisation comme, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, ou dans l’accompagnement de chimiothérapie, une nouvelle voie thérapeutique explorée par des médecins et des chercheurs voit le jour: le jeûne.
Il faut dire que face à l’envie d’être en bonne santé, une fois de plus ,on peut se questionner sur son utilité et faire son état des lieux actuel.
Histoire du jeûne
La restriction calorique extrême ou jeûne existe depuis l’Antiquité sous diverses formes.
Dans les religions, il a une dimension physiologique et spirituelle. Ainsi, il est utilisé comme technique de purification.
En médecine, sa pratique est encore discutée, mais il montre une certaine efficacité.
Actuellement, une attention toute particulière est portée au jeûne intermittent ou fasting.
Son histoire dans les religions
Dans toutes les religions, il est une volonté de se purifier physiquement et spirituellement et précède des rites religieux. On la retrouve dans les religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) mais également dans les religions et voies de sagesse orientales, telles que l’hindouisme et le bouddhisme.
Dans la religion chrétienne, il fait référence aux quarante jours et quarante nuits de Moïse privé de nourriture.
Dans le judaïsme, il est recommandé par la Torah.
Pour la religion musulmane, le jeûne est associé au Ramadan qui signifie « retrouver la paix en soi ».
C’est pourquoi, sa pratique dans les religions est plus liée à une dimension spirituelle et philosophique.
Le jeûne en médecine
En médecine, c’est Hippocrate, médecin et philosophe qui soutenait dès 370 av J.C qu’il valait mieux un jeûne qu’une prise de substances quelconques pour soigner des maux divers. Quant à Claude Galien, célèbre médecin grec, il le prescrivait pour réguler les humeurs du corps.
De même que, au moyen-âge, Avicenne le préconisait durant trois semaines pour certaines maladies.
Au même titre que Paracelse, médecin innovateur de la médecine moderne, vantait son efficacité pour aider le corps à s’autoréguler.
Son impact mondial
Dans certains pays, comme la Sibérie, il fait partie de la politique de santé publique. De même que, en Allemagne et aux Etats-unis où sa pratique est institutionnalisée et admise. Le jeûne intermittent, ou fasting, est largement utilisé pour la perte de poids, le diabète de type 2, les maladies inflammatoires ou cardio-vasculaires, voire en thérapeutique couplé à de la chimiothérapie. En France, il est plus associé à des dérives sectaires, et les experts font encore preuve de prudence.
Définition
Le jeûne est l’abstention partielle ou totale, temporairement, de consommation de toute alimentation.
Il peut être thérapeutique (court ou périodique pouvant aller jusqu’à trois semaines). Voire, séquentiel: c’est le jeûne intermittent alternant des périodes d’abstention et des périodes d’alimentation normale sous diverses formes (8h/16h; 6h/18h; 4h/20h).
D’ailleurs, en médecine intégrative, il entre en combinaison avec des soins médicaux et des soins complémentaires dans le but de maintenir et d’améliorer la santé et le bien-être. En fin de compte, l’efficacité et la sécurité des traitements sont ainsi, respectées.
Comment fonctionne-t-il?
Le corps entre en jeûne à partir de la 6ème à la 8ème heure après un repas. L’organisme a, alors, épuisé son principal carburant énergétique: le glucose. En cas de privation alimentaire, le stress positif engendré permet une adaptation via un bouleversement hormonal et neuroendocrinien (phénomène d’hormèse). Finalement, d’autres voies énergétiques sont mises en œuvre et permettent une régulation à type de réflexe atavique.
La glycolyse
Le carburant habituel de l’organisme est le glucose fourni par les aliments ingérés. Le glucose est dans un premier temps transformé par la glycolyse, qui est une voie métabolique qui se déroule en l’absence d’oxygène. Elle conduit à la production de pyruvate qui pourra utiliser deux voies:
– La fermentation lactique en milieu dépourvu d’oxygène (comme dans le muscle en contraction où il y a alors accumulation de lactate)
– La décarboxylation oxydative en milieu pourvu d’oxygène pour former du gaz carbonique (CO2) et une grande quantité d’énergie.
La néoglucogenèse
Privé de cette substance, le corps doit fabriquer de l’énergie autrement. Parallèlement à la glycolyse, le glucose est stocké dans le foie et les muscles par la néoglucogenèse. Dans un premier temps, la glycémie (concentration sanguine du glucose) va diminuer, et lorsqu’elle atteint un seuil critique, le glucagon va être sécrété pour mobiliser les réserves glucidiques stockées dans le foie. L’organisme va alors mettre en route un mécanisme adaptatif qui va produire du glucose à partir de précurseurs non glucidiques. La synthèse de glucose dans le foie, se fait à partir des acides aminés issus des protéines musculaires ou à partir du tissu adipeux.
La cétogenèse
Dans un souci d’épargne protéique et pour préserver le muscle, l’organisme change de voie métabolique et privilégie l’utilisation de ses réserves en acides gras du tissu adipeux. Il les transforme dans le foie en corps cétoniques, selon le processus de la cétogenèse.
Les corps cétoniques, produits de dégradation, deviennent le substrat énergétique du corps. Le cerveau et les muscles en sont très avides. En effet, leur utilisation énergétique est plus rapide que celle du glucose. C’est ce processus qui entraîne parfois un état nauséeux et des maux de tête par augmentation de l’acidité. Il s’agit de la crise d’acidose. Cependant, les mécanismes adaptatifs mobilisés pendant le jeûne vont permettre à l’organisme de survivre relativement longtemps en préservant sa masse musculaire. Ainsi, l’autophagie est stimulée pour permettre l’adaptation et la survie des cellules soumises à des conditions de stress via un réflexe atavique.
Finalement, pendant le jeûne, quand le glucose est épuisé, le corps puise dans les muscles les protéines pour en fabriquer puis dans les graisses pour créer un substitut de glucose: les corps cétoniques. Cette opération s’effectue dans le foie et elle a pour but de stimuler les organes d’élimination afin d’éliminer les déchets du métabolisme.
A-t-il une réelle utilité?
A première vue, il aurait une action sur les taux d’insuline, le tissus adipeux, l’hormone de croissance mais aussi sur la réponse immunitaire. En d’autres termes, existe-t’il des études sur ses bienfaits supposés?
En 1973, une étude est lancée par le pneumologue Alexeï Kokosev et le gastroentérologue Valéry Maximov. Ainsi, elle permet de mettre en lien les bienfaits du jeûne et le stress positif engendré. Ils établissent, aussi une liste d’indications et de contre-indications.
Cela étant, en Allemagne c’est le médecin Andrea Michalsen qui étudie les modifications hormonales engendrées. Il en conclu que l’augmentation du taux de sérotonine améliore l’humeur, diminue la douleur et permet une meilleur sensibilité des récepteurs à l’insuline.
La dépense énergétique diminue, le rythme cardiaque, la respiration, la pression artérielle, tout s’abaisse et se ralentit. Les forces curatives de l’organisme sont, alors, stimulées.
Finalement, jeûner, c’est remettre les compteurs à zéro.
De surcroît, Valter D.Longo a, quant, à lui étudié son effet sur le cancer. Il protègerait des effets secondaires de la chimiothérapie.
Actuellement en France, le jeûne suscite un réel engouement mais il n’existe aucune structure médicale permettant sa pratique sous surveillance. Bien que les résultats obtenus semblent intéressants et prometteurs, ils ne répondent pas aux exigences actuelles de la médecine factuelle.
Le jeûne est-il réellement sans danger?
Même s’il a montré ses effets stimulant, antidépressif, sédatif, antalgique et son utilité dans la prise en charge du surpoids et de l’obésité; il n’en reste pas moins que le jeûne présente des contres indications et certaines limites.
Le corps, privé de glucides, puise dans ses protéines musculaires mais aussi dans celle du cœur. Quand plus de la moitié des protéines ont disparues, c’est la mort.
Et même si pour éviter la consommation des protéines, l’organisme bascule sur l’utilisation des lipides, dans la mesure où 80% des lipides ont disparu, les protéines ne sont plus économisées: il faut donc se réalimenter.
De plus, on retrouve une perte de calcium, phosphore, sodium, potassium et un risque de manque de fer.
Les niveaux de vitamines C, D, E s’abaissent, mais pas de manière critique.
Dans les autres effets indésirables, on notera le passage compliqué de la crise d’acidose responsable de nausées, migraine, crampes, brûlures d’estomac..
Il est donc important, avant de se lancer, de se faire accompagner d’un professionnel.
Mise en pratique
“Pendant le jeûne, le corps va bien. C’est l’âme qui a faim”
—Dr Otto Buchinger—.
Le jeûne intermittent ou «intermittent fasting» est un régime alimentaire consistant à alterner des périodes de jeûne et des périodes d’alimentation normale.
Il regroupe plusieurs types de jeûne:
– Le time restricted feeding (TRF): l’alimentation se fait sur un temps restreint qui consiste à restreindre sa fenêtre alimentaire journalière à 8h minimum pour 16h minimum de jeûne.
– L’intermittent energy restriction (IER) ou alternatedayfasting (ADF): consiste à jeûner un jour sur deux.
– L’alternate day modified fasting (ADMF): comprend le régime 5/2 ou le fait de jeûner un jour par semaine.
Le jeûne intermittent 16/8
Sur une journée de 24h on ne s’alimente pas pendant 16 heures et l’alimentation normale se fait sur une période de 8 heures. Il s’agit concrètement de sauter un repas, soit le petit déjeuner, soit le dîner.
Le jeûne intermittent un jour sur deux
Il consiste à manger normalement un jour et à restreindre fortement ou complètement son apport calorique le jour suivant.
Le jeûne intermittent 5:2
Il consiste à manger normalement 5 jours dans la semaine et à jeûner deux jours (consécutifs ou non). Les jours de jeûne, une petite prise alimentaire ne dépassant pas les 600 calories (sur les deux jours) est autorisée.
Quels aliments préconiser pendant les périodes d’alimentation?
Lors de prises alimentaires, il est conseillé de sélectionner les aliments en fonction de leur composition et de leur intérêt nutritionnel.
Afin de profiter des bienfaits du jeûne, il faut faire la part belle aux fruits et légumes, riches en vitamines et minéraux. Pour les glucides, on privilégie les glucides complexes, comme ceux présents dans les céréales ou les légumes secs aux glucides simples (sucre, confiture, biscuits …). En effet, leur assimilation lente permet de fournir de l’énergie sur la durée. De même, ils ne feront pas augmenter la production d’insuline qui est un facteur de risque de surpoids, d’obésité et de maladies inflammatoires. Par ailleurs, il est préférable d’intégrer des lipides dans votre assiette. On dit oui au “bon gras” présent dans l’avocat, les fruits à coque, l’huile d’olive, le saumon, les sardines. Quant aux protéines, l’idéal est d’alterner protéines animales (viandes, poissons, œufs) et protéines végétales (légumineuses, céréales complètes, fruits à coque).
Étonnamment aucun aliment n’est interdit
Il n’y a pas d’aliments interdits dans le jeûne intermittent. Tout est une question de modération et d’équilibre. Certains aliments sont à privilégier quand d’autres sont à éviter ou à consommer de façon occasionnelle. La qualité nutritionnelle des aliments que vous mangez compte. Les périodes de jeûne n’ont que peu d’intérêt si les phases d’alimentation sont anarchiques au niveau de la qualité et de la quantité de l’alimentation.
Conclusion
Même si certaines études ont montré, que lors du jeûne, les changements hormonaux ont une action anti-inflammatoire et des effets thérapeutiques, il est à ce jour, en France, non autorisé dans un cadre thérapeutique. Seul le jeûne préventif, sur des sujets sains, a montré peu d’effets secondaires indésirables. Il faut donc rester vigilant face une éventuelle dérive sectaire. Le rapport d’experts de l’Inserm « Évaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique » quant à lui conclut que « Les études qui s’intéressent au jeûne en tant que pratique thérapeutique sont à ce jour encore peu nombreuses et leur qualité méthodologique est souvent insuffisante et surtout limitée par la dimension particulière du jeûne. ». Cependant le rapport datant de 2014, certaines avancées permettent de l’intégrer comme espoir thérapeutique. Actuellement, il s’inscrit comme pratique de bien-être dans un nouveau rapport au corps et à la santé.